Conseil Municipal du 20 décembre 2023 : Intervention de Catherine Hervieu consacrée au rapport développement durable
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Le cadre législatif de la présentation de ce rapport pour la situation des collectivités date de plus de 20 ans. Depuis, les conséquences du changement climatique s’accélèrent, avec des ampleurs qui surprennent même les scientifiques du GIEC.

L’étape de l’accord de Paris en 2015 présentait, certes, un affichage audacieux puisque toutes les parties se sont engagées à limiter le réchauffement du climat entre 1,5 et 2°C d’ici 2100. C’est effectivement souligné dans le rapport, page 7.

Mais cette victoire diplomatique, une 1ère à l’époque, comportait d’emblée la carence énorme de ne pas être accompagnée d’un système contraignant.

Celui-ci, pour les écologistes, devant tenir compte des différentes trajectoires des émissions en regard des niveaux de développement humain, en regard de la répartition des efforts, en regard des moyens dont disposent chaque pays pour y parvenir.

En 2019, lors de la COP 25 à Madrid, il y a eu un pas en ce sens : il a été décidé que 100 Mds d’€ seraient abondés par les pays les plus riches, devant permettre aux pays les plus pauvres de s’engager également à leur niveau dans cette trajectoire commune planétaire. Or à cet instant, ce sont seulement 85 Mds qui ont été versés alors que les évènements météorologiques s’emballent sous l’effet du changement climatique.

Les freins sont multiples. Notamment, le reflux du multilatéralisme, les replis nationalistes, la montée des approches complotistes déniant la réalité anthropique du changement climatique. Et le résultat de l’élection présidentielle en Argentine vient de confirmer malheureusement ces tendances.

Ainsi, huit ans après l’accord de Paris, il y a le constat que sur le front du climat ce n’est pas l’optimisme, alors que la COP28 va se réunir à Dubaï dans 10 jours, dans le contexte plus que compliqué des nombreux conflits actuels.

Ceux-ci reposent le plus souvent sur des instrumentalisations identitaires au sein des pays, qu’elles soient à visées politiques, communautaristes, territoriales qui génèrent leur multiplication : Ukraine, Israël-Palestine, Soudan, Yemen, Sahel, Haut Karabakh… pour ne citer que ceux-ci. Cela va évidemment à l’encontre des actions coordonnées pour gagner la bataille du climat, du fait de la fragilisation des États concernés. Sans compter, les logiques des multinationales et des grands groupes en capacité de s’affranchir, des cadres législatifs et réglementaires en faveur du climat, grâce au lobbying puissant dont ils ont les moyens.

L’Europe elle-même n’en est pas indemne : la toute récente décision de la Commission ré-autorisant l’usage du glyphosate pour 10 ans reposant, entre autres, sur l’abstention hypocrite de la France présentée comme un vote contre, en est illustration. Car cette prolongation, c’est aussi celle d’un modèle agricole intensif reposant sur des pesticides dont le glyphosate, qui génère une partie importante des émissions de GES, qui est responsable de la perte de la biodiversité alors qu’elle-même contribue aux équilibres climatiques. Les enjeux en matière de santé publique, pointés par l’OMS, sont bien évidemment à prendre en compte. 

Les guerres et la dégradation de l’environnement coûtent énormément d’argent public parce qu’elles polluent les sols, l’eau et l’air ; parce qu’elles tuent et font des blessés. Et cela impacte tous les échelons. Mais les guerres et les dégradations de l’environnement rapportent des sommes gigantesques à certains grâce à ces prédations multiformes, ce que nous devons combattre.

Les travaux préparatoires à la COP28 sont alarmants : ainsi la synthèse des feuilles de route des États publiée le 14 novembre par les Nations-Unies montre que ces plans d’actions nous mènent vers un réchauffement compris entre 2,1°C et 2,8°C à la fin du siècle. Autant dire une planète presque invivable pour l’humanité, à Dijon comme ailleurs. Face à ces politiques des trop petits pas, nous voulons exprimer malgré tout l’espoir que la COP27 aille dans le sens de la sortie des fossiles avec toutes les solutions que nous connaissons et qui se mettent en place dans les territoires : c’est la montée en puissance des ENR, la sortie programmée des énergies fossiles avec la fin de l’extractivisme, le soutien aux actions climatiques dans les pays du sud.

Malgré tous les obstacles et les difficultés, les COP restent des espaces majeurs grâce à la diplomatie au service du climat, laquelle peut et doit peser sur la diplomatie de la résolution des conflits.

Alors une fois dit tout cela, que tirer de ce type de rapport dont nous étudions la version dijonnaise pour l’année 2023?

-oui mille fois oui, continuer à faire valoir les actions sur le territoire allant dans le sens de l’atténuation et l’adaptation au changement climatique.

-oui mille fois oui, oser et avoir des objectifs encore plus ambitieux que ceux prévus par la loi, l’UE et l’accord de Paris. 

– oui et mille fois oui, mettre en place et pérenniser les accompagnements au changement de comportements au quotidien au plus près des habitants. La ville étant l’échelon de proximité par excellence. 

-oui et mille fois oui, coopérer avec les autres territoires : car leurs destins sont liés, quoiqu’il en soit. Et nous le savons, la concurrence des territoires à n’importe quelle échelle mène à une sorte d’inertie et d’inefficacité face à l’urgence climatique et elle est propice aux conflits et aux guerres.  

Pour finir, il y a la nécessité de faire évoluer le cadre légal de présentation du rapport DD prenant en compte les coopérations d’actions avec d’autres territoires et collectivités. La nécessité d’affiner les indicateurs chiffrés afin de faire valoir précisément les trajectoires dans les différents secteurs. La nécessité de prise en compte de l’accompagnent des habitant.es au changement de comportements grâce à l’ensemble des services proposés et co-construits avec eux. 

Et la bataille du climat étant conjointe avec la bataille pour la paix, la coopération et toutes les possibilités d’échanges internationaux, notamment avec les pays du sud global, sont plus que jamais à renforcer dans les champs culturels, artistiques, éducatifs, universitaires, économiques. Les liens tissés en ce sens par la ville doivent être valorisés et se développer encore plus.

Catherine Hervieu