
Une ambition insuffisante face aux enjeux et à la demande citoyenne
La réalisation d’un plan climat est une obligation légale pour les collectivités comme Dijon métropole. La métropole a donc engagé ce processus réglementaire. Nous soulignons des points positifs dans ce document et son élaboration : D’une part une concertation élargie, mais également des contributions qui vont au delà des obligations réglementaires, comme par exemple un schéma directeur des énergies et un volet sur la biodiversité.
En terme d’environnement, Dijon métropole a indéniablement effectué de belles réalisations comme par exemple le projet Response au quartier de Fontaine d’Ouche ou la méthanisation des boues de la station d’épuration Eau vitale de Longvic qui a été lancé dans le mandat précédent par les élus écologistes dont un était vice-président en charge de l’eau et l’assainissement.
La question est cependant surtout de savoir, au delà des actions déjà menées, si elles sont à la hauteur des enjeux. Notre collectivité est-elle sur la bonne trajectoire environnementale ? Comme pour ce qui concerne les scénarios du GIEC, il y a plusieurs trajectoires possibles, plus ou moins laxistes ou volontaristes. Et les experts économiques ont clairement montré que repousser les décisions nécessaires suite à un manque d’ambition sera très coûteux demain pour les habitants. Le Haut Conseil pour le Climat, instance mis en place par le gouvernement, a pointé que la décennie à venir sera stratégique pour rester sur une trajectoire climatique acceptable sous les 1,5°C.
La métropole est-elle sur la bonne trajectoire ? Les membres du Conseil de développement de Dijon métropole dans leur contribution au projet de territoire (novembre 2022) ont répondu non. Ils ont clairement pointé l’insuffisance des politiques environnementales de la ville et la métropole puisqu’ils écrivaient dans leur résumé sur la transition écologique, « les habitants avancent plus vite que la métropole : la prise de conscience des habitants, la volonté de changer ses habitudes et le sentiment d’urgence impose à la métropole de suivre ce rythme et de fournir un cadre opérationnel et efficace ». Les 150 membres du conseil de développement ne peuvent pourtant pas être taxés d’opposants politiques à l’exécutif de Dijon métropole puisque deux tiers des membres ont été nommés par le président de la métropole et les autres sont des citoyens tirés au sort.
Le conseil de développement a été formellement sollicité par le Président de la métropole dans le cadre de la concertation élargie sur le plan climat. Les membres du conseil de développement se sont astreint à formuler des propositions retenues de manière consensuelles. Ce choix du travail par consensus a été choisi, par les différents membres du conseil de développement, pour favoriser l’acceptabilité sociale de ses propositions. Préalablement, les membres ayant travaillé sur le plan climat ont bénéficié d’un parcours d’informations.
Par ses choix d’élaboration et de travail (formation aux enjeux, ne retenir que des solutions ayant fait consensus), le conseil de développement a choisi une méthode similaire à la convention citoyenne sur le climat mise en place par le gouvernement suite à la crise des gilets jaunes. Les experts nationaux et la presse avait salué les propositions de cette convention citoyenne que le Président de la République avait promis de transmettre sans filtre au parlement. Malheureusement, le Président de la République n’a pas tenu sa promesse et les propositions de cette convention citoyenne ont été détricotées par les lobbies et réduites à peau de chagrin.
Nous espérons que les préconisations du conseil de développement ne subiront pas le même sort que celles de la convention citoyenne pour le climat, malgré leur caractère consensuel. Malheureusement, à ce stade d’élaboration du Plan Climat, nous constatons hélas que de nombreux constats, propositions et analyses n’ont pas été entendu. Il est notoire de constater que sur bon nombre de points les lacunes dans la politique environnementale de Dijon métropole pointées par les citoyens du Conseil de développement sont souvent évoquées dans les observations de la Mission d’évaluation environnementale ou dans l’avis du Préfet de la région Bourgogne Franche-Comté sur le Plan Climat de la métropole.
Dans sa contribution, de façon à proposer des solutions efficaces et adaptées, le conseil de développement s’est astreint à identifier les points de blocage expliquant le retard des politiques publiques même s’il y a eu aussi de belles réalisations par ailleurs. Face à chaque point de blocage, le conseil de développement a systématiquement proposé des solutions, retenues par consensus comme indiqué. Il est regrettable que le diagnostic du plan climat proposé aux élus de la métropole (délibération du 26 septembre 2024) n’ait pas discuté, pour réorienter la politique, des points de blocage relevé par le conseil de développement dans son avis remis 6 mois avant (février 2024) à la métropole. L’urgence environnementale oblige pourtant à agir et à apprendre de ses succès mais aussi de ses échecs. La concertation sur le Plan Climat, dont nous saluons la mise en place, n’a guère été écoutée malgré l’engagement bénévole notoire des citoyens et leur demande de changement. Des actions sont proposées dans le plan climat, mais pas toujours à la hauteur des enjeux et selon des modalités parfois obscures dont la cohérence avec les besoin du territoire semble peu claire.
A titre d’exemple, un point de blocage pointé par le conseil de développement est un réseau cyclable discontinu et non sécurisé, en étoile autour de la ville centre. Parmi les 367 km de pistes cyclables déclarées par la métropole, seuls 17% sont de vraies pistes cyclables. 60% sont en fait des zones 30 que la métropole qualifie abusivement de pistes cyclables.
Nous demandons que toutes les préconisations du Conseil de développement dans son avis sur le plan climat soient retenues a priori. Si l’exécutif de la métropole décide de ne pas en retenir certaines, nous demandons que chaque refus de reprendre une proposition soit justifié et motivé.
Ce manque de justification est assez généralisé. Le rapport de la Mission régionale d’autorité environnementale pointe également que, lorsque différents scénarios sont envisagés, les choix retenus ne sont pas justifiés.
Nous pointons des lacunes dans le plan climat dont nous espérons qu’elles seront corrigées suite à cette nouvelle étape de concertation lors du vote définitif par les élus de la métropole.
Le plan Climat proposé revendique de traiter également des aspects de biodiversité. Pourtant les enjeux de préservation et de restauration des zones humides, dont il est bien connu qu’elles sont des réservoirs essentiels de biodiversité, ne sont pas intégrées dans le plan climat comme le pointe la Mission régionale de l’autorité environnementale. Cette seule lacune interroge la volonté de la métropole de s’atteler réellement à cette question de la biodiversité au delà d’une politique de communication via par exemple les expositions au muséum d’histoire naturelle, expositions remarquables par ailleurs.
Sur le même sujet de la biodiversité, alors que la métropole est propriétaire de plusieurs hectares de terres agricole notamment à l’est de la métropole, le refus quasi-systématique d’imposer une pratique en agriculture biologique malgré les demandes récurrentes des élus écologistes depuis 10 ans montre que les actions retenues se résument trop souvent à de la communication. Alors que la métropole dispose d’un levier important qu’elle peut maîtriser, les actions envisagées sont souvent d’envergure très limitées, bien en dessous des besoins et des marges de manœuvre réels de la métropole. Ce levier doit être mobilisé.
Les Ecologistes regrettent que les actions associées au plan climat soient souvent floues, souvent sans objectifs chiffrés. La Mission d’autorité environnementale déplore aussi ce manque de précision et d’objectifs chiffrés notamment dans le domaine des mobilités. La lacune d’analyse du ferroviaire, pourtant un levier essentiel disponible même s’il n’est pas piloté par la métropole est inquiétante. Les moindres ambitions de la métropole par rapport au objectifs du Sradett ne sont pas justifiés par des éléments chiffrés et convaincants.
Quand il existe des objectifs chiffrés, par exemple la volonté de réduire de 10% les flux pendulaires d’ici à 20230, l’ambition est décevante et insuffisante alors qu’il s’agît d’un des leviers les plus intéressant.
Toujours en terme de mobilité, si le plan climat, intègre dans le bilan carbone de la métropole les transports aériens effectués par les habitants (souvent d’ailleurs depuis des aéroports en dehors de la métropole), aucune action visant à réduire l’empreinte carbone lié à l’usage de l’aéroport Dijon Longvic n’est envisagée. Ce plan climat déplore l’impact délétère du transport aérien en terme de gaz à effet de serre mais se refuse à envisager la moindre action dès lors que cela concerne son territoire. Pire, ce plan climat n’interdit pas de subventionner le transport aérien hors du territoire de la métropole, ce qui n’aurait pas permis à l’exécutif de la métropole de participer au financement de l’aéroport Dole Jura. Ce refus de la métropole d’envisager d’utiliser les leviers qui sont les siens pour diminuer les graves impacts du transport aérien est symptomatique du manque d’ambition de ce plan climat. Cette question des leviers dont dispose la métropole pour diminuer l’impact du transport aérien doit être abordée.
Comme l’exécutif de la métropole refuse de se saisir de ce sujet sur l’aérien dans le plan climat, nous rappelons la contribution du Conseil de développement sur ce point : « Dijon métropole dispose d’un aéroport (Dijon Longvic, ancienne BA 102) sur son territoire. Cet aéroport n’accueille plus d’avions de ligne. Cet aéroport sert actuellement essentiellement pour des vols privés mais aussi pour des vols sanitaires. Aujourd’hui, le transport aérien bénéficie d’un carburant détaxé malgré son très fort impact sur l’émission de gaz à effet de serre. Dijon métropole subventionne aujourd’hui cet aéroport de Dijon Longvic. Cette subvention revient à favoriser les vols privés au profit souvent de grandes fortunes qui n’ont point besoin d’être subventionnées. En outre, cette subvention à l’aéroport est une subvention à l’usage des combustibles fossiles compte tenu de l’origine pétrolière du carburant aérien. L’acceptation des mesures nécessaires à la transition écologique requiert une équité sociale pour que ces mesures soient acceptées de tous. Le maintien de subventions à l’usage de combustible fossile pour des vols privés déjà fortement exempté de taxes est assez incompréhensible face aux enjeux de la transition écologique et aux besoins d’équité sociale.«
En conséquence, le Conseil de Développement demandait de :
– Supprimer toutes les subventions aux aéroports
– Subventionner directement l’hôpital pour ne subventionner si besoin que les vols sanitaires du CHU et non indirectement les vols privés
Ce sujet des transports aériens sur le territoire de la métropole doit être intégré au plan climat et les préconisations du Conseil de Développement doivent être reprises.
Un autre sujet également totalement ignoré est la publicité pour des produits très préjudiciables pour l’environnement (automobiles SUV, banques investissant encore massivement dans les énergies fossiles, fast fashion, etc….). Alors que la métropole dispose d’un levier pour agir via les publicités sur les abribus et dans les transports en commun, alors que cette demande est fortement relayée par des associations environnementales, aucune action n’est envisagée pour interdire ce type de publicité sur les supports appartenant à la métropole.
L’objectif pourrait être de concentrer ses efforts sur des actions à impact et acceptables socialement. En terme d’impact, le conseil de développement a pointé le besoin d’avoir des mesures des différentes externalités environnementales, c’est-à-dire des coûts cachés, des principales politiques. Ce serait un outil précieux d’aide à la décision. Malheureusement, aucune action en ce sens n’est évoquée. Comme pour le sujet de l’aérien, la métropole est encore dans le déni des réalités. Ce refus de voir la réalité est dramatique et délétère.
De façon à suivre la trajectoire de la métropole, le conseil de développement a demandé que ce soit publié dans le rapport de développement durable un certains nombre d’indicateurs globaux comme par exemple les émissions de GES par secteur et par habitant, l’empreinte carbone par habitant, les dépenses publiques par habitant et par km pour les différents modes de transport.
Il est regrettable que ces préconisations n’aient pas été suivi d’effet. Le Préfet de la région regrette aussi le discours souvent incantatoire du plan climat. En effet, il pointe lui aussi la « nécessité d’intégrer des indicateurs quantifiables et pertinent permettant d’évaluer non seulement l’achèvement des actions mais aussi leurs impacts ». Le Préfet estime que, « bien que définir des indicateurs robustes puisse s’avérer complexe, cela reste un levier essentiel pour garantir la transparence et la redevabilité des politiques publiques. En outre la mise d’indicateurs facilite la communication avec les citoyens et permet de créer un cadre d’évaluation partagée ».
En conclusion, ce plan climat présente de nombreuses actions mais souvent insuffisantes au regard des enjeux. Alors que la population est prête et réclame des actions ambitieuses, l’ambition de ce plan climat est décevante. Il est possible de corriger ou d’engager bien d’autres actions, développées dans la contribution du Conseil de développement mais aussi dans les remarques de Monsieur le Préfet et de la Mission régionale environnementale. Nous demandons que ces corrections soient effectuées.
Les Ecologistes de Côte d’Or
72 rue Chabot Charny
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