Lettre ouverte à Monsieur le Député Didier Martin, co-rapporteur de la mission parlementaire sur les pesticides
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Les élu-es EELV de Dijon ont rencontré Monsieur le Député Didier Martin pour lui remettre un courrier. Ce courrier demande que le coût réel des pesticides soit intégré dans le prix ce qui n’est pas le cas actuellement.

 

Objet : Demande d’intégrer les résultats des études économiques sur les coûts/bénéfices de l’usage des pesticides agricoles dans le travail de la mission parlementaire et de les comparer avec les effets positifs de l’agriculture biologique.

Monsieur le Député,

Les élu-es EELV de Dijon vous interpellent dans le cadre de la mission parlementaire sur les pesticides dont vous êtes le co-rapporteur. La loi de Transition Energétique est une étape importante dans le processus « zéro-phyto ». Elle a permis de généraliser à l’ensemble des collectivités l’arrêt de l’usage des pesticides dans l’espace public déjà pratiqué par les plus vertueuses d’entre elles. Cette dynamique doit désormais cibler les usages agricoles qui représentent 90 % de l’utilisation des pesticides. C’est le sens du vœu « vers une métropole sans pesticides » voté par le Grand Dijon en octobre 2016.

La situation de blocage au sein de la commission européenne concernant la ré-autorisation du glyphosate illustre les résistances au changement alors que la dangerosité des pesticides et leur impact sur l’environnement est une réalité que nul ne peut désormais nier.

De nombreuses études scientifiques*, dont celles réalisées par l’INSERM, attestent des risques toxiques, même en faible quantité, des pesticides sur la santé, les milieux et la biodiversité: troubles neurologiques et de la fertilité, cancers, dégradation de l’air, de l’eau, des sols et menace pour la faune et la flore.

Ces graves problèmes sanitaires et la destruction de l’environnement causés par les pesticides ont un coût pour la société. Ces substances toxiques génèrent des « externalités négatives » qui ne sont pas prises en compte par le marché, c’est-à-dire pas intégré dans le prix des pesticides, alors qu’elles représentent chaque année plusieurs milliards d’euros de réparation des dégâts à la charge de la collectivité.

Selon les résultats* des travaux d’une commission d’enquête sénatoriale, les coûts sanitaires de la pollution de l’air coûtent entre 68 et 100 milliards d’euros par an pour la France, et l’agriculture conventionnelle y contribue. Le coût annuel de dépollution de l’eau lié à l’agriculture et l’élevage, incluant les pesticides et les nitrates, serait supérieur à 54 milliards d’euros par an. Enfin, une étude de 2016 réalisée par deux scientifiques de l’INRA, à partir de plus de 60 travaux de recherche publiés dans le monde, estime que le coût induit des pesticides, lorsque les données connues permettent de les calculer, est supérieur à ce qu’ils rapportent en terme d’amélioration des rendements agronomiques.

Au delà des gains agronomiques bien connus, les coûts induits par l’usage des pesticides ne doivent pas être négligés. Ils concernent :

– les coûts environnementaux qui concernent les dégâts environnementaux comme la perte des services écosystémiques rendus par la nature : diminution de la pollinisation, perte de biodiversité…

– les coûts sanitaires qui concernent les frais de santé des agriculteurs et la perte de productivité des agriculteurs due à l’usage des pesticides : par exemple un agriculteur sur 6 souffre d’effets indésirables liés à l’utilisation de substances chimiques, l’exposition aux pesticides doublerait quasiment le risque de survenue de la maladie de Parkinson chez les agriculteurs (CGDD, 136, déc 2015*).

– les coûts réglementaires englobent les fonds publics pour réglementer et contrôler ces substances, ou assainir les eaux et les milieux contaminés : la cour des comptes a de nombreuses fois pointé, concernant les redevances liées à l’eau, le fait que le principe pollueur – payeur est loin d’être respecté sur l’usage des pesticides.

– les coûts sociaux : l’usage des pesticides diminue très fortement le nombre d’exploitants agricoles à l’hectare comparativement à l’agriculture biologique et participe donc massivement à la désertification rural.

Convaincu-es depuis toujours par l’influence positive des services environnementaux rendus par l’agriculture biologique et ses effets en matière de prévention des risques sanitaires, nous vous invitons à prendre en considération le rapport* de l’Institut Technique de Agriculture Biologique (ITAB) publié en novembre 2016 comparant les impacts économiques, sanitaires et environnementaux de l’agriculture biologique et de l’agriculture conventionnelle.

Ce rapport, réalisé avec l’appui scientifique de chercheurs de l’INRA, a chiffré économiquement et quantifier les effets positifs de l’agriculture biologique pour la santé, la préservation des ressources et des milieux naturels et agricoles. Au vu des résultats, les écologistes sont confortés dans leur position en matière de politique agricole : le soutien public à l’agriculture doit être fondé sur la « rémunération de ses bénéfices ».

De plus, nous vous invitons également à prendre en compte le scénario Afterres 2050*. Cette étude scientifique démontre qu’une agriculture 100 % biologique pourrait nourrir le monde en 2050. Concernant la France à l’horizon 2050, 50 % d’une agriculture biologique est en mesure de nourrir 72 millions de français en divisant par trois les pesticides.

Dans ces conditions, le modèle économique de l’agriculture ayant recours aux pesticides doit donc être évalué en prenant en compte l’ensemble des coûts qu’elle génère. A ce jour, bien trop peu d’études visant à chiffrer le coût réel de l’usage des pesticides agricoles en France n’ont été réalisées. C’est pourquoi, nous vous invitons, dans le cadre des travaux de la mission parlementaire, :

  • à intégrer dans votre rapport parlementaire les évaluations économiques disponibles sur les coûts/bénéfices liés à l’usage des pesticides agricoles.

  • à demander au gouvernement de développer ces études économiques pour que l’impact environnemental, sanitaire, réglementaire et social de l’usage des pesticides soit mieux connu et pour que les « externalités positives » de l’agriculture biologique soient mieux chiffrées.

Veuillez recevoir, Monsieur le Député, nos sincères salutations.

Frédéric FAVERJON, Catherine HERVIEU, Stéphanie MODDE, Patrice CHATEAU, Sandrine Hily et Christine DURNERIN.